Existant depuis plusieurs milliers d’années, le tatouage a eu différentes raisons d’être, rites de passage de par la douleur ressentie lors de son exécution, marquant ainsi l’entrée dans l’âge adulte ou encore, dans un registre plus mystique, lien à la fois spirituel et physique avec une divinité. Le tatouage a également servi à marquer une appartenance à un clan ou à un autre. Déjà, parce qu’à l’époque, on en avait rien à péter du camouflage et qu’on s’affichait comme des gros badass face à l’ennemi avec une hache dans chaque main et un slip en peau de mouton. Et de deux, parce que gueuler « freedooooom !!! » avec un masque d’Hello Kitty, ça vous fout en l’air tout charisme héroïque.

Bien plus tard, l’on considéra le tatouage comme une coutume de sauvage et l’on décida qu’il conviendrait beaucoup mieux aux animaux, aux esclaves et aux prisonniers. Un autrichien célèbre eut un jour l’idée de combiner les trois en emprisonnant un peuple entier, en s’en servant d’esclave avant de massacrer ses membres comme des animaux. Personnellement, j’estime qu’il a poussé le concept un peu loin. Par chance, ce genre d’idée ne nous occupe plus et les mœurs ont pu évoluer, en même temps que les techniques. Nul besoin d’un marteau, d’un burin et d’un pot de peinture, la technologie nous a amenée une machine qui nous rappelle étrangement la roulette du dentiste mais qui laisse nos dents tranquilles pour s’attaquer uniquement à notre compte en banque. On n’arrête pas le progrès.

S’il y a encore un trentaine d’années, les tatoués étaient des évadés, des rock stars ou des communistes, il n’est désormais plus nécessaire de passer par la case prison sans toucher 20 000 francs pour pouvoir se la péter sur les plages. Oubliez les pectoraux saillants et les abdos d’acier. Désormais, les durs, les vrais, ce sont les tatoués. Car ce que vous ignorez, Ô lecteurs lambdas, c’est que se faire encrer la peau est une véritable torture. Les tatoueurs sont des fourbes, des mesquins, ils profitent de votre faiblesse quand vous vous croyez enfin invincible. Le motif d’aigle royal colle parfaitement à votre personnalité, le logo des Hell’s Angels s’y mêle avec grâce et votre dos est l’endroit le plus adéquat pour accueillir une telle majesté ! C’est alors que, allongé sur la table, les bras engourdis après deux heures d’encrage, au moment où vous pensez que vous allez enfin être respecté par le milieu, le gros barbu derrière vous, avec sa machine de mort dans la main, vous demande : « Au fait, Kit Kat, ça prend un ou deux T ? Parce que je n’ai plus trop de place sous la queue du dauphin ». Salaud. Voilà lecteurs, vous êtes désormais initié au plus grand des secrets : les tatoueurs ont un humour de merde.

Une fois ce traumatisme surmonté grâce à six mois de thérapie de groupe, vous pourrez enfin arborer votre fière appartenance aux Apaches du Milwaukee, groupuscule des beaufs de Moisi-Sous-Bois, au Tribal Gang, clan élitiste que l’on ne peut intégrer que sur présentation de la carte grise d’une Golf GT Turbo avec des néons sous la carlingue ou aux Vanessa Forever, cercle de poètes maudits qui ferait mieux de disparaître. Pour les filles, la création du C’est trop swaggy les étoiles, les fées et les dauphins hihi Club est en cours. Quand aux autres, qui avez choisi un motif ainsi qu’un emplacement symbolique, vous n’êtes que des consommateurs de came shamanique compulsifs et vous devriez avoir honte de négliger ainsi votre corps au détriment de tout sens de la mode pour votre unique personne. Bande d’égoïstes. De toute façon, qui pourrait bien s’intéresser au fait qu’une svastika − ou croix gammée − peut représenter le mouvement du soleil, du temps qui passe et qui, inéluctablement, se tourne vers l’avenir si ses branches pointent dans le sens des aiguilles d’une montre ou, dans le cas inverse, peut signifier la volonté d’aller à l’encontre de l’ordre établi, de choisir sa propre voie sans se soucier des « impératifs » de la société d’aujourd’hui.

« Je me suis fait tatouer un scorpion sur le bras, ça veut dire que si tu m’emmerdes, je vais frapper plus vite que l’éclair et tu t’en relèveras pas. Un vrai tueur, silencieux et redoutable. » Raté mon gars, le scorpion est surtout symbole de fertilité. Après, si tu as des problèmes à ce niveau là, je ne suis pas sûr que ça nous concerne. A la limite, si tu veux quelque chose qui symbolise par exemple, la victoire, un palmier suffira. Bisous.

 

Le cas le plus particulier est celui du prénom, outre la valeur sentimentale de celui qui le porte sur sa peau, la symbolique réelle de ce tatouage n’apparaît qu’au type qui l’a encré, soit : Tu reviendras me voir pour le recouvrir quand elle t’aura quitté, loser.

Je conclurai en rassurant tous ceux qui arborent un portrait de Johnny, un bracelet tribal autour du bras (sauf à l’intérieur parce que ça fait trop mal... Bande de tarlouzes) ou un papillon sur l’omoplate que je n’ai absolument rien contre vous. Même si ça me donne envie de me nettoyer les yeux avec du citron. Et que ce soit symbolique ou esthétique, être tatoué, c’est tout un art.



                                                                                                                                                                                                                                                                 Eldey H.